Un livre pour tout l'or du monde. -

Alice Ledger venait de sortir de la Grande Salle. On était dimanche, aussi les cours n'étaient-ils pas dispensés. Elle avait monté les grands escaliers de marbre du hall, saluant de temps à autre les personnes qui passaient en lui faisant un petit signe, tapant la bise à certains élèves. Elle se sentait particulièrement de bonne humeur, aujourd'hui : peut-être était-ce le beau temps, ou que personne encore ne l'avait embêtée pour le moment. Touchons du bois. Alice était ce genre de personne qui ne se laissait pas marcher sur les pieds, après tout. Certainement un idéal féminin pour quelques garçons : la jeune fille à la beauté timide et à l'intelligence hors normes mais au caractère quand même bien trempé et à la franche rigolade. Bah. On disait parfois d'elle, par des filles jalouses ou des garçons à la méchanceté gratuite, que c'était une sainte-nitouche, une lèche-bottes des profs. De toutes façons, même si elle avait arrêté de travailler, ses notes auraient été toujours les mêmes : excellentes.
Alice poussa la porte de la bibliothèque, une fois arrivée au Quatrième Etage. Elle aimait l'atmosphère de ce lieu : calme, paisible, tranquille, silencieuse. Un endroit où elle pourrait parfaitement se reposer et se distraire à la fois, avec ses meilleurs amis de toujours : les livres. Alice salua la bibliotécaire, vaguement, puis se rendit au rayon des romans sorciers. Elle aimait aussi les romans moldus, mais elle ne les lisait que pendant les vacances, quand elle rentrait chez Janet. La vieille dame avait des étagères entières dans son petit salon, si bien que ca rendait la pièce encore plus petite.
Alice empoigna un lourd volume d'une trilogie quelconque, écrite par Armand Boideserre, et se laissa tomber dans un fauteuil recouvert d'un épais velours rouge. Elle adorait lire des heures dans un endroit calme, dans un fauteuil confortable. Elle en était à trente minutes de lecture quand une voix moqueuse la tira de son livre.

Elève - Alors Ledger, on fayote ?

Wonderland - Ecrase, Kellman.

Elle ne lui adressa même pas un regard. Ce genre de remarques étaient fréquentes, surtout de la part de garçons de Serpentard, comme Andrew Kellman par exemple. Simplement parce que certains des amis de Alice étaient des Gryffondor, et pas des Serpentard. Ca en mettait un coup à leur réputation, d'avoir la première du classement des cinquième année amie avec le camp adverse. Tant pis pour eux. Ca ne l'empêcherait pas de vivre sa vie tranquille et de voir ses amis. Alice continuait à lire, comme si de rien n'était. Elle lissa sa jupe, toujours plongée dans son livre. Elle était vêtue d'une longue et large jupe volante, blanche avec de petites fleurs bleues en liseré en bas, et d'un pull fin du même bleu que les fleurs. Avec ceci, ses sandales blanches, ses cheveux qui ondulaient, et elle était superbement jolie. Elle n'était pas la seule à Poudlard, mais son caractère en rajoutait une couche.

Pour le beau gosse de Poudlard, alias Alexander Connor ou plutôt Alex, le dimanche était jour de calme et de repos. Etrange ? Et bien non, quand on connaît son emploi du temps de la semaine, on ne s'en étonne pas vraiment. Il se résume ainsi : épater la gallerie pendant les cours pour les rendre moins monotone, draguer chaque jolie fille qu'il croise au détour d'un couloir, s'attirer tous les regards à chaque pas en compagnie de sa bande de potes, écraser ses rivaux, et enfin, étudier. Et bien oui, n'oublions pas qu'il est à Serdaigle, dans la maison des érudits, il est donc logique qu'il soit un mordu de lecture et un assoiffé de connaissances. Et pour ne pas faillir aux valeurs de sa maison, Alex avait curieusement des notes exemplaires dans la plupart des matières, malgré le fait qu'il faisait le pitre en classe quand le prof avait le dos tourné.

Le dimanche était donc son jour de "repos" dirons-nous. Il lâchait sa bande le temps d'une journée pour être un peu plus au calme, et le lieu tout trouvé pour cela n'était autre que la bibliothèque. Rares étaient ceux qui étaient au courant de ce qu'il faisait le dimanche. Personne n'oserait l'imaginer, lui, Alex, play-boy officiel de Poudlard, en train de lire un livre à la bibliothèque avec le plus grand sérieux. Et pourtant... Le jeune Serdaigle marchait donc d'un pas tranquille dans les couloirs déserts du château, les mains dans les poches. Le soleil était de sortie, tout le monde était donc dehors car cela n'arrivait pas tous les jours en Angleterre, le pays de la pluie.

Il entra silencieusement dans la bibliothèque, n'espérant pas y voir grand monde, et referma tout aussi précautionneusement la porte pour ne pas faire de bruit et ne pas alerter la bibliothéquaire. En effet, une autre raison au choix de ce lieu, c'était que lui était assez populaire dans Poudlard, il avait une multitude de relations dans toutes les maisons, et il croisait sans cesse des gens dans les couloirs qui ne le lâchaient plus. Mais comme chaque dimanche, il n'y avait aucune de ses connaissances dans la bibliothèque, enfin d'après ce qu'il en eut vu après un rapide coup d'oeil. Alex traversa quelques rangées d'étagères, se demandant quel livre il pourrait bien dévorer ce dimanche, et opta pour un classique de la littérature anglaise.

Il se dirigea avec son bouquin vers le coin lecture où de confortables fauteuils l'attendaient, et fut assez surpris - même s'il ne le montra pas - d'y trouver une ravissante jeune fille déjà en pleine lecture. Un garçon de Serpentard venait de lui faire une réflexion stupide. Alex, qui n'aimait pas ça et qui voyait son côté justicier ressortir à chaque chose de ce genre, ne put s'empêcher de tendre innocemment son pied lorsque le Serpentard passa à côté de lui. Il en résultat qu'il trébucha en plein dessus mais ne tomba pas grâce à une reprise d'équilibre in extremis. Il se retourna et lui lança un regard meurtrier comme quelqu'un qui veut déclencher une bagarre histoire de laver cette légère honte, mais devant la carrure et la dureté du regard d'Alex, qui lui montrait clairement que cela ne le dérangeait absolument pas de lui faire la tête au carré ici-même, le Serpentard préféra en rester au regard noir avant de s'en aller.

Alex reprit donc son chemin, un sourire en coin, assez fier de lui, et passa entre deux fauteuils avant d'aller s'assoir sur un troisième qui était libre et qui se trouvait en face de la jeune fille. Elle était à Serdaigle, et lorsqu'il vit son visage, il se rendit compte qu'il la connaissait, pas personnellement mais de réputation. Puis, en même temps, il connaissait un peu tout le monde à Poudlard... C'était Alice Ledger, élève studieuse et même un peu trop, au physique sublime et au caractère foudroyant malgré tout. Une jeune fille qu'Alex se serait empressé d'aborder s'il ne se trouvait pas à la bibliothèque.

Puis il était là pour lire non ? Oui, seulement, il n'en avait plus réellement envie après avoir posé ses yeux noisettes sur la belle Serdaigle. Il était comme ça, la moindre chose pouvait le distraire, c'était en partie pour ça qu'il s'isolait pour lire ou étudier, parce que sinon il était incapable de se concentrer. Il se força à lire tout de même quelques pages, mais sans s'empêcher de jeter quelques regards furtifs dans la direction de sa sompagne de lecture. Il mourrait d'envie de lui adresser la parole, mais il ne voulait pas non plus la déranger, lui-même détestait qu'on l'interrompe dans ses lectures. Mais après six pages, il referma son livre, le posa sur la table basse en face de lui, et s'enfonça un peu plus confortablement dans son fauteuil en laissant tomber sa tête sur le dossier, d'un air épuisé. Il essayait stupidement de se persuader que contempler le plafond de cette manière l'empêcherait de regarder Alice. Et oui, on ne change pas un Don Juan coureur de jupons en quelques minutes que voulez-vous...

Alice était toujours plongée dans sa lecture : c'était un passage particulièrement prenant du livre - elle lisait à une vitesse étonnante - où l'héroïne était poursuivie par un Mage Noir et se retrouvait prise au piège dans une maison dont personne ne connaissait l'adresse. Elle était en train de se demander comment cette pauvre fille sans baguette magique allait pouvoir s'en sortir, quand elle entendit un chapelet de jurons qui la tira de son questionnement : Kellman, le grand type de Serpentard qui l'avait embêtée, venait de manquer de s'étaler de tout son long dans l'allée principale de la bibliothèque, suscitant les rires de nombreux lecteurs, ne pouvant s'empêcher de s'amuser de cette situation. Alice haussa un sourcil. La bibliotécaire écumait : le bruit l'avait dérangée dans un calcul de livres et elle devait tout refaire.

Bibliotécaire - Merci d'avoir l'obligeance de vous taire ! Vous êtes dans une bibliothèque, ici, pas dans un zoo !

Alice ne s'en soucia pas : elle avait autre chose à faire que de rire d'un pauvre type névrosé qui avait manqué de se tauler dans une bibliothèque, comme lire la suite de son livre, par exemple. C'était une de ses qualités : le sérieux. Quand elle voulait faire quelque chose, elle le faisait, et n'y manquait pas du tout.
Un jeune homme de Serdaigle également s'était installé depuis peu à proximité du fauteuil dans lequel s'était assise Alice, mais elle n'avait pas noté ce détail. C'était Alexander Connor, le coureur de jupons attitré de Serdaigle, un beau gosse dont l'activité favorite était de draguer tout ce qui portait une jupe. D'ailleurs, c'était aussi l'auteur du croche-patte dont avait été victime Kellman, mais ca non plus, Alice ne l'avait pas remarqué. Il se contentait d'être assis.
Alice sentait par contre qu'elle était observée, depuis quelques minutes. Elle ne savait pas d'où ça venait, mais ça la gênait assez. Elle leva le nez de son bouquin : Connor, de Serdaigle, était assis dans le fauteuil en face et faisait mine de lire un livre, alors qu'en réalité, il était en train de jauger de haut en bas la jeune élève de Serdaigle. Alice referma alors son livre avec un claquement sec, pour "réveiller" le garçon de sa rêverie. Avec un regard amusé, elle eut un sourire en coin, et ré-ouvrit son bouquin afin de reprendre sa lecture.

Pitoyable, il était pitoyable... Tous les garçons l'étaient en quelque sorte, il suffisait qu'une jupe vole au bout d'un couloir pour qu'ils soient tous à courir après comme des affamés. Et Alex n'échappait pas à la règle, bien au contraire, et tandis qu'il regardait le plafond avec obstination, il se maudissait pour ses attitudes qui des fois ne lui apportait pas ce qu'il voulait. Une fois il avait voulu entretenir une relation sérieuse avec une fille, il l'avait vraiment voulu, mais bien sûr, avec sa réputation, la demoiselle ne l'avait pas cru une seule seconde... C'était le genre de chose qu'il regrettait, mais sinon, il devait bien avouer que la plupart des filles ne refusaient pas le fait de se faire aborder. A vrai dire, c'était plutôt flatteur pour elles non ?

En ayant marre de contempler son plafond, le Serdaigle reporta son attention sur son livre posé sur la table et l'observa un moment avec hésitation. Devait-il reprendre sa lecture ? Non... Il releva légèrement les yeux pour les poser sur la belle fille en face de lui. Pourquoi diable ne lui avait-il jamais parlé ? Comment avait-il pu ne pas l'aborder depuis toutes ses années à Poudlard ? Ne serait-ce que pour s'en faire une amie et rien de plus ? Perdu dans ses pensée, Alex en fut extirpé brutalement lorsqu'Alice fit claquer sèchement son livre en le regardant d'un air appuyé mais surtout amusé, et il se rendit compte qu'il avait passé les nombreuses secondes précédentes les yeux rivés sur elle. Gêné, il détourna son regard perçant et se gratta nerveusement la nuque. Non mais quel abruti...

Elle replongea en suivant dans les pages de son bouquin, mais il remarqua tout de même le petit sourire au coin de ses lèvres. Point encourageant aux yeux du play-boy... Ok, elle, elle ne se laissait vraiment pas faire. Cela le conforta dans son ambition de lui parler. Il aimait à peu près autant les filles que la difficulté à les séduire ou du moins à s'en faire des "relations", qu'elles soient bonnes ou mauvaises. Trouver un moyen, il fallait qu'il trouve un moyen... Seulement, ni le lieu ni l'atmosphère n'était propice à la conversation, d'autant plus que la bibliothécaire avait déjà crié tout à l'heure. Puis cela s'imposa comme une illumination. Elle aimait lire, lui aussi, or elle tenait dans ses mains un bouquin que lui avait déjà lu, seulement il n'avait jamais réussis à trouver le temps de lire la suite car à chaque fois, quelqu'un l'avait emprunté chaque dimanche... Parfait !

"Excuse-moi..." commença-t-il, "Mais je peux savoir où tu as trouvé ce bouquin ? Parce que je cherche la suite justement..."

Bon, d'accord, il fallait l'avouer, c'était assez pitoyable comme moyen de démarrer une conversation ou du moins quelque chose qui s'en approchait, mais bon. D'autant plus qu'il s'était fait grillé deux minutes auparavant... Non mais plus sérieusement, maintenant qu'il se rappelait de ce livre, il mourrait d'envie de connaître la suite, si ça mémoire était bonne, il en était arrivé à un point crucial où le jeune héro montait une sorte de club avec ses amis pour contrer la menace pesante d'un puissant Mage Noir et de ses partisans. Une histoire passionnante d'autant plus qu'elle était réelle d'après ce que ses parents lui avaient raconté... A moins que ça ne soit pas la même trilogie que lisait la jeune fille ? Il verrait bien de toute façon, au pire, il se ferait rembarrer, ça ne serait pas la première fois, ça faisait partie des risques du métier de play-boy...

Alice leva les yeux au ciel. C'était vraiment un mec de pure souche, il ne pouvait pas se renier lui-même, celui-là. Et en plus, ca la titillait dans sa lecture. Elle devrait bien avoir quelques répliques ironiques en magasin au cas où il l'aborderait. C'était son caractère, après tout : ne jamais se laisser marcher sur les pieds, ne jamais paraître comme une fille timide et facile. Toujours s'affirmer. C'est les clé de la réussite, selon Janet. Alice avait fermement décidé de la croire et de suivre ses sages conseils. C'était certainement grâce à cette brave femme qu'Alice était devenue ce qu'elle était aujourd'hui. Et grâce à papa, à Ju. Et donc, elle n'aimait pas trop qu'on lui fasse du gringue ou qu'on la prenne pour une tarte : c'était pour cela qu'elle avait répondu si sèchement à Kellman. Ne jamais se laisser faire. Jamais.

Alice croisa les jambes. Elle était dans son bouquin, un bon roman d'aventures à deux mornilles pour les sorciers, un pavé distrayant, mais sans grand intérêt. Elle lisait pour son plaisir, parce qu'elle aimait les livres, le calme. L'autre de Serdaigle était toujours aussi remuant en face, ca en devenait plutôt énervant. Il ne cessait de bouger : soit il prenait son bouquin, soit il changeait de position dans son fauteuil, soit il recommençait à fixer Alice. Ca sentait bien fort l'abordage, ça. C'était bien connu d'Alice. Puis alors il se leva. Enfin, Alice espérait bien qu'il ne viendrait pas la voir et qu'il partirait : et puis merde alors. Non, il s'était approché de la jeune fille, désignant du doigt le livre qu'elle lisait.

Alexander - Excuse-moi... mais je peux savoir où tu as trouvé ce bouquin ? Parce que je cherche la suite, justement.

Wonderland - Deuxième allée à droite, rayon de la drague à deux noises.

Elle avait dit ceci sans ciller, toujours en lisant. Elle leva les yeux de son bouquin pour jeter un oeil au concerné, qui devait paraître assez déconcerté. Elle eut un regard amusé. C'était plutôt drôle, cette situation, en fin de compte. C'était marrant de voir les réactions des gens quand Alice leur répondait de cette manière. Ils ne s'attendaient pas du tout à voir un caractère aussi enflammé dans cette jeune fille toute mince à l'apparence timide. Elle ouvrit la bouche et prit une inspiration, pour ajouter quelque chose à la réplique du tac au tac qu'elle venait de lançer.

Wonderland - Alexander Connor, le fameux, lit des livres d'aventures moyens dans une bibliothèque un dimanche ? Je dois dire que je suis assez étonnée.

A peine avait-il prononcé sa phrase qu'il comprit que c'était mal barré d'avance. La jeune fille avait paru énervée de le voir s'agiter dans tous les sens juste avant. Et, comme il l'avait présenti, la jeune demoiselle lui envoya une réplique cinglante à la figure, sans même daigner le regarder. Il s'y était attendu de toute manière, il la connaissait pour son caractère bien trempé, et au moins maintenant, il savait ce qu'il ne fallait pas faire avec elle. Oui, Alex avait pour habitude de tirer des enseignements de ses erreurs au lieu de se vexer et de se braquer. D'ailleurs, sa première récation fut de sourire, et de se retenir de rire de ce "fly" qu'il venait de se prendre. L'autodérision, une chose indispensable pour lui...

"Ok..." murmura-t-il plus pour lui-même que pour elle, se gratant une nouvelle fois nerveusement la nuque, ce qui était son tic principal précisons-le. La jeune fille releva alors la tête et croisa son regard, et à ce moment-là, la seule chose qu'il trouva à penser ce fut "waouh quel regard !". Mais bien sûr, il s'abstint de tout commentaire car elle ajouta quelques mots pour décoincer la situation, bien qu'il aurait très bien pu le faire lui-même. Son orgueil fut cependant lavé de son précédent échec par le fait qu'elle le connaissait déjà de par sa réputation, ce qui lui faisait toujours plaisir.

Son assurance reprenant le dessus, il laissa échapper un léger soupire tout en souriant, face à sa remarque sur sa présence ici. Les mains dans les poches, il se dirigea vers l'allée où était supposé se trouver le second tome du livre de la jeune fille, après avoir rapidement jeté un coup d'oeil à la cote de celui-ci, qui lui avait donc indiqué la rangée et l'ordre de classement dans la bibliothèque. Il promena son doigt sur quelques volumes pour enfin trouver celui qu'il cherchait, et revint ensuite tout aussi tranquilement vers son fauteuil où il se laissa tomber, avec toujours le même sourire amusé par la situation. Là, il lui répondit enfin en relevant ses yeux sombre et pénétrants, mais qui pourtant arboraient une expression rieuse à cet instant.

"Je ne vois pas ce qu'il y a d'étonnant à cela, après tout, tu es à l'intérieur alors que pour la première fois depuis quelques mois il fait un temps radieux dehors, c'est tout aussi étrange non ?"

Il fit une pause, laissant revenir quelques secondes le silence dans la bibliothèque afin de ne pas en alerter la farouche gardienne, puis il ajouta :

"A moins que tu me considères comme quelqu'un indigne de lire un livre un dimanche ?"

Bien sûr, il avait dit ça sur le ton de la plaisanterie, elle voulait jouer les tempéraments brûlants, aucun problème pour lui... Quoi qu'il en était, aucune de ses expressions n'aurait pu laisser paraître l'agacement que ce genre de remarque pouvait provoquer en lui. Les préjugés, il commençait à trop bien les connaître, tout le monde le voyait comme un dragueur invétéré, ça, il ne s'en plaignait pas bien au contraire, mais qu'on le considère comme un dragueur stupide incapable de connaître le sens du mot intellectuel, alors là, ça avait quelque chose de vexant même s'il préférait en rire. Après tout, c'était avant-tout sa faute si on le voyait comme ça... Oui, il aimait lire, et alors ? Quoi d'étonnant pour un Serdaigle ?

Pour marquer le coup, il ouvrit son nouveau livre et commença à lire, se replongeant ainsi dans ce roman célèbre qu'il n'avait jamais eut l'occasion de terminer... Les cartes étaient lancées, il s'était directement calmé après la réplique de la Serdaigle, son envie de drague aussi par la même occasion. D'habitude, il était déterminé et n'abandonnait jamais tant qu'il n'avait pas ce qu'il voulait, mais bon, vu les circonstances, le lieu où le silence imposé ne permettait pas vraiment un plan de drague, et surtout le fait qu'on était dimanche et qu'il n'était pas censé continuer à jouer les Don Juan et qu'il avait envie d'un peu de calme, il s'était dit que ce n'était pas si grave. Elle ne voulait pas être dérangée, ok, il ne s'imposerait pas plus si elle ne le désirait pas. Bien que cela n'empêchait en rien d'avoir une conversation normale avec elle...

Alice ne cilla pas. C'était comme un jeu de ping-pong moldu - un coup pour elle, un coup pour Connor. C'était plutôt amusant, et l'incroyable, c'était qu'elle suivait cette histoire et lisait en même temps. Ce bouquin était bien écrit pour valoir des clopinettes, c'était le livre d'aventures de base, le truc qui divertit gentiment. Bah. De toutes façons, elle ne cherchait pas à lire tous les grands classiques de la bibliothèque - même si elle était près du but, involontairement - et voulait simplement se distraire dans un endroit calme. Ce bouquin était l'idéal pour laisser couler un dimanche.

Connor avait accusé le coup de la réponse directe d'Alice. Il ne semblait pas pour le moins désarmé. Quand elle crut qu'il était vraiment parti, il revint avec le bouquin en question, au grand dam d'Alice. A quoi jouait-il ? En fait, elle le savait bien, mais sa tactique était tellement floue et courante à la fois que ca en devenait bien troublant. Mais Alice n'était pas de ces gens qui se laissent prendre par les émotions. Connor s'était affalé dans le même fauteuil que tout à l'heure. Il semblait rire de sa situation. Alice en était amusée, de tout ceci.

Alexander - Je ne vois pas ce qu'il y a d'étonnant à cela, après tout, tu es à l'intérieur alors que pour la première fois depuis quelques mois il fait un temps radieux dehors, c'est tout aussi étrange non ?

Wonderland - Je préfère. Dehors, ca crie, ca court, pas moyen d'être au calme et tranquille comme ici.

Elle avait appuyé ces derniers mots, pour dire que la bibliothèque était un endroit de calme. Normalement, on ne discute pas dans une bibliothèque, et on drague encore moins. Mais bon, c'était un mec, et les gens comme ça, on ne peut pas les changer. Franchement, parfois, les stéréotypes avaient du bon. Comme quoi, les gens en général n'avaient pas toujours tort.

Alexander - A moins que tu me considères comme quelqu'un indigne de lire un livre un dimanche ?

Wonderland - Pas du tout. Après tout, Serdaigle est une maison caractérisée par des gens studieux et intelligents. Enfin, la deuxième est une option facultative.

Elle pensait à ces deux hystériques de son dortoir qui ne faisaient que la suivre pour espérer se faire une réputation en traînant avec Alice Ledger, la #1 des cinquième année. Manque de bol, Alice devait donc se les coltiner à longueur de journée. Et encore, là, elles avaient décidé de la lâcher pour aller flirter avec quelques Gryffondor assez hardis et idiots pour plonger dans le lac tout habillés. C'était pas tellement son milieu, ce genre de trucs. Elle préférait largement un bouquin, bon ou pas, tant pis, mais au moins, elle se distrayait.